Sarah Dwyer reviewed in La Critique

La Critique, November 20, 2024

Sarah Dwyer, gestes et couleurs de la peinture

20 Nov 2024, par Jean Claude Le Gouic

Le choix des peintures de cette exposition est représentatif de diverses pratiques spécifiques du travail de Sarah Dwyer. Cette artiste d'origine irlandaise est née en 1974, elle vit et travaille actuellement à Londres mais reconnait des liens forts avec la France et l'Amérique. Son travail se situe dans la lignée des mouvements expressionnistes qu'ils soient figuratifs, abstraits ou dans la suite des artistes de CoBrA. Dans toutes ses peintures l'artiste travaille la mise en mouvement de l'espace du support, toile ou papier, par des gestes maniant les pinceaux ou des pastels à l'huile. Cela lui permet une mise en place subtile des couleurs parfois saturées en même temps qu'une structuration inventive de l'espace du tableau. Si les étendues colorées sont majoritaires, on remarque aussi la présence de diverses formes de dessin, allant du geste scriptural, du contournement des formes et aussi la mise en place de tracés structurant les compositions variées. Oui, c'est peut-être à cela que l'on reconnait une grande artiste peintre : elle ne néglige rien.

 

Sarah Dwyer se lance corps et esprit dans la transformation de l'étendue plane du support pour y installer un espace qui mêle des figures abstraites et des allusions à des éléments naturels ou corporels. Le titre de l'exposition Slugger et texte de présentation de la galerie signale un contexte familial particulier. Un Slugger est un type de boxeur qui domine le ring grâce à sa force. Il dicte le rythme et l'action du combat. Sarah Dwyer, fille d'un boxeur irlandais, constate qu'il est possible de rapprocher l'art pictural et « noble art ». Elle constate la possible transposition de ce sport dans le domaine artistique : elle sait effectivement contrôler sa gestuelle créative et ainsi commander physiquement l'espace de la peinture.

Bien que l'on sente qu'elle s'inspire de choses vues, sa trituration du magma pictural ne favorise pas l'identification de la référence à quelques réalités reconnaissables. On croit voir ici un dos, là un œil ou encore un paysage campagnard (Irish Goodbye, 2024). Cela favorise ou relance le questionnement du visiteur. Par delà ces potentielles identifications, l'important est que l'artiste parvienne à faire surgir des signes plastiques à forte présence qui entrainent le regardeur vers des significations inattendues. Dans l'action les gestes génèrent, presque naturellement, de nouveaux gestes qui finissent par élaborer un style personnel que l'on constate chez cette artiste, même lorsqu'elle crée des volumes.

 

Dans cette exposition toutes les toiles (sauf une : Jaz at Hauser, 2024) semblent pouvoir se prolonger par tous les bords du support. Ce ne sont pas à proprement parler des all over puisqu'il y a souvent une ou plusieurs figures majeures qui guident notre découverte. Mais cela signale que ces peintures n'ont plus l'intention de constituer des petits mondes dans un petit espace, comme cela se faisait depuis la Renaissance et jusqu'au milieu du XXe siècle, mais juste de donner à voir des fragments de monde. L'artiste les espère réussis pour la plus grande satisfaction des regardeurs et c'est ce que l'on ressent.